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Les chroniques polars et bédé        de Claude Le Nocher - ABC POLAR

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Gilles Verdet : Voici le temps des assassins (Éditions Jigal, 2015)

Gilles Verdet : Voici le temps des assassins (Éditions Jigal, 2015)

Paul Viennot et Simon Granville sont deux amis quinquagénaires. Paul est un photographe professionnel. Époux de Marianne, originaire de Montreuil, Simon est policier. Parce que son ami est malade et endetté, Paul a accepté de participer avec lui au braquage d'une joaillerie parisienne. Leur vieux copain Bernard, comédien, fournira un alibi à Paul. Durant l'opération, deux femmes voilées aux airs de Saoudiennes interviennent, abattent Simon, et filent avec les bijoux volés. S'il s'en sort vivant, Paul est dépassé par la situation. Il contacte Marianne, qui ignorait les projets de son compagnon. Aux obsèques de Simon, quelques-uns de ses collègues sont présents, bien que sa mort se soit passée lors d'un braquage. Paul remarque une jolie femme brune. Ce n'est que plus tard qu'il retrouvera la policière Dominique, avec laquelle il deviendra intime. 

La même semaine, plusieurs morts suspectes se produisent. Celle de Bernard, poignardé de douze coups de couteau dans les jardins du Palais-Royal. Celle de Georges Duchesnay, qu'on pense d'abord être un suicide car il semble s'être jeté sous le métro. Et puis il y a Guillaume Chauvain, industriel en viandes, égorgé et mutilé après avoir fait visiter son abattoir à un inconnu. Et aussi Alain Gentil, employé précaire, surtout un marginal vivant dans son Combi aménagé, supprimé par un couple d'assassins. À chacun d'eux, les tueurs ont récité quelques vers de Rimbaud, de Verlaine. Bien que toujours dans le brouillard, Paul explore la piste du Club des vilains bonshommes. Il s'agissait d'un groupe d'artistes, peu avant le temps de la Commune de Paris. On sait qu'Arthur Rimbaud, jeune rebelle désargenté débarquant à Paris, fit partie de ces esthètes.

Grâce à Gallet, prof passionné de la Commune, Paul obtient quelques détails sur l'épisode historique en question. Et sur “la Semaine Sanglante” qui servit de conclusion à cette folle période, en mai 1871. Paul ne voit toujours pas le lien pouvant exister entre ces faits si anciens et sa propre vie, celle de ses amis, exécutés depuis plusieurs jours. Le mythe de Rimbaud excita certainement leurs jeunes années romantiques, comme pour beaucoup d'amateurs de poésie. Quand Paul est à son tour agressé dans une ruelle, sur quelques rimes rimbaldiennes, la policière Dominique fait fuir ses attaquants. C'est bien dans son passé, vers le Sud de la France, où vit son copain d'autrefois Pierrot, que Paul doit fouiller pour comprendre tout cela. Avec la concierge Madame Jeannette et Gallet, le passion de la Commune, ils iront jusque vers l'Oural pour faire la vérité sur ces crimes…

 

Le titre est emprunté au poème d'Arthur Rimbaud “Matinée d'ivresse”, dont “Voici le temps des assassins” est le vers conclusif. Ce texte évoque le lendemain d'une nuit de débauche, où le haschich lui offrit un sentiment de plein accomplissement et de liberté. Expérience enthousiasmante pour le poète. Quant aux quinquagénaires présentés dans ce roman, le bilan de leurs existences serait plus mitigé. Et, probablement, quelqu'un estime-t-il le moment venu de se venger d'eux. Une thématique classique du polar, s'il en est. Ce qui importe, c'est évidemment la manière de raconter l'histoire, d'exploiter l'intrigue.

Ce que l'on retient d'abord dans ce roman, c'est une écriture empreinte d'un véritable style : “Le jour pendant ce temps-là était venu presque entièrement. Un ciel plus clair allumait maintenant le marché. J'ai commandé un autre ballon de vin blanc. L'acidité du sauvignon devait stimuler les synapses. Griller les mauvaises connexions comme des graisses superflues. Me donner l'illusion de l'essentiel. J'ai pensé que Mai allait s'achever bientôt. Mai, le mois des abus. Des excès, des révoltes et du sang.” Voilà ce qui offre sa tonalité au récit, entre mystère inattendu et une certaine dose de mélancolie. Une ombre criminelle plane, tandis que le héros s'efforce de décrypter l'énigme. On se laisse bientôt subjuguer par l'ambiance que cultive Gilles Verdet, qui nous entraîne dans l'univers de ses personnages. Un suspense franchement séduisant, d'une très belle originalité.

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