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Les chroniques polars et bédé        de Claude Le Nocher - ABC POLAR

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Marie Devois : Gauguin mort ou vif (Éd.Cohen & Cohen, 2016)

Marie Devois : Gauguin mort ou vif (Éd.Cohen & Cohen, 2016)

Le Pouldu est un village côtier de la commune de Clohars-Carnoët, à la frontière entre le Sud-Finistère et le Morbihan. Le 17 juillet, se promenant sur le "chemin des peintres", Luc Péron y découvre un cadavre tatoué allongé dans une crique : “Les tatouages étaient insolites. À part le diable sur le crâne, il découvrait des tas de figures géométriques qui formaient plusieurs ensembles surprenants sur l'intégralité du corps et des membres.” À côté, quelques objets complètent ce tableau macabre. Le témoin a alerté les gendarmes, mais à leur arrivée, le cadavre a disparu. Le procureur Louis Stern est par ailleurs occupé par une affaire de tableau volé. Plus exactement, il s'agit d'une reproduction de la toile de Paul Gauguin “Contes barbares”. Un vague suspect semble posséder un alibi.

Stern se déplace de Quimper jusqu'au Pouldu, pour suivre l'enquête. Les techniciens de la police ne disposent guère d'indices exploitables. Seule évidence, le cadavre fantôme n'est pas mort d'une chute depuis la falaise. Les objets sur le sable peuvent aussi bien avoir été oubliés par des touristes. Il apparaît que Luc Péron est un militaire traumatisé lors d'un récent conflit. Sujet à des hallucinations, il peut avoir imaginé ou mal évalué ce dont il a été témoin. Néanmoins, grâce à un dessinateur et aux descriptions précises de Luc Péron, on obtient une version des tatouages vus sur le corps disparu. Ils ont été réalisés par un expert quimpérois, Steve Denis. Une piste à suivre. Un nouveau fait divers se produit au Poudu, où la maison-musée dédiée à la mémoire de Gauguin a été dégradée.

Tout comme en Polynésie, où les lieux qui abritèrent le peintre ont été remplacés par des reconstitutions, cette maison n'est pas authentiquement celle où Marie Henry logèrent Paul Gauguin et Meyer de Haan. Néanmoins, l'endroit est symbolique. Non loin de là, Marthe Pierson est de retour en Bretagne. Aujourd'hui veuve de son mari Charles, elle fut dix ans plus tôt conseillère municipale ici. Le couple organisa à l'époque un voyage jusqu'à Hiva Oa, où Gauguin vécut les dernières années de sa vie "en primitif", comme il le souhaitait. Pensant qu'un rôdeur s'est approché de sa maison, Marthe a alerté la gendarmerie, qui n'a rien noté de suspect. Toutefois, quelques jours plus tard, elle est victime d'un accident, une chute depuis un échafaudage, près du célèbre musée de Pont-Aven.

Policier à Quimper, Paul Magnin a été chargé par le procureur Stern d'enquêter sur ces affaires troublantes, visiblement toutes en rapport avec Gauguin. Le magistrat a compris que le thème de l'Oie, cher au peintre, était certainement une des clés dans ce dossier. Pendant ce temps, dans l'ombre, un certain Koké observe et ne reste pas inactif, jouant un rôle énigmatique. C'est à Atuona, dans les Marquises, que Paul Magnin espère trouver des renseignements décisifs, et des confirmations. Peut-être aussi quelques rapprochements entre l'époque de Gauguin et un passé bien plus récent…

 

Peut-être est-il judicieux de rappeler que Marie Devois n'est pas une nouvelle venue dans le polar. Après “Bon anniversaire Monsieur Le Guillou” en 2003, elle a situé trois de ses titres dans le Vexin (Trois cercueils pour Pontoise, Allées sans retour, Faits d'hiver à Montigny). On y trouvait déjà des références culturelles, en l'occurrence sur le Val d'Oise. En 2014, elle présente dans la collection ArtNoir “Van Gogh et ses juges”, puis “La jeune fille au marteau” (sur les traces de Velázquez) en 2015. Cette fois, c'est l'univers de Paul Gauguin qui inspire ce suspense riche en mystère. Si la région de Pont-Aven a été marquée par la présence d'une colonie d'artistes-peintres à la fin du 19e siècle, il ne s'agit pas d'un polar historique, mais bien d'une intrigue contemporaine.

Bien sûr, l'auteure s'est parfaitement documentée sur ce personnage qu'était Gauguin, qui ne fut pas dénué de sombres ambiguïtés. Si ses tableaux sont plutôt lumineux et son talent indéniable, sa vie s'avéra plus contrastée. Quand aux hommages qui lui sont rendus de France métropolitaine jusqu'aux Marquises, leur aspect commercial est à l'opposé de l'authenticité que rechercha le peintre. Loin d'une enquête linéaire, Marie Devois soigne la construction scénaristique de ce “Gauguin mort ou vif”, ce qui anime le récit de très belle manière. Magistrats, gendarmes, policiers, témoins, et protagonistes "impliqués" ont chacun leur place dans le déroulement de l'affaire. Cadavre fantôme, oies vénérées à travers les siècles, rébus mathématique, mode de vie polynésien, sont autant d'éléments de l'énigme passionnante que nous soumet Marie Devois.

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