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Les chroniques polars et bédé        de Claude Le Nocher - ABC POLAR

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Hugo Buan : L’héritage de Jack l’Éventreur (Éd.du Palémon, 2016)

Hugo Buan : L’héritage de Jack l’Éventreur (Éd.du Palémon, 2016)

Lucien Workan est commissaire à la PJ de Rennes, où il habite dans le centre-ville. Il se déplace avec sa Bentley personnelle, même si cette voiture lui cause parfois des soucis. Son équipe se compose du capitaine Lerouyer, un rouquin frisé à l’ascendance irlandaise, pas le plus efficace des policiers ; de Laurent Roberto, un grand échalas ardennais natif de Charleville-Mézières ; et de Leila Mahir, authentique Berbère approchant de trente ans, jolie brune aux cheveux courts, amante extravertie de Workan. Possédant un caractère vif, le commissaire se heurte souvent à sa hiérarchie et à la procureure Sylviane Guérin. Il n’est jamais ponctuel aux réunions, préférant mener ses investigations à sa guise.

Workan a deux raisons de se rendre à Saint-Lunaire, station balnéaire proche de Dinard et de Saint-Malo. Quelques semaines plus tôt, le cadavre d’une escort-girl a été retrouvé déchiqueté sur les rochers de la Pointe du Décollé. L’affaire est restée non-élucidée. Elle était l’invitée de Charles Cochet, un retraité parisien. Depuis, c’est une nommé Cathia, également prostituée, qui vit chez ce Cochet. Sa bienveillance envers les putes ne le rend pas vraiment suspect. Le principal motif pour lequel Workan se rend à Saint-Lunaire, c’est qu’il a rendez-vous avec Mrs Susan Drummond, une Anglaise septuagénaire. Ça fait trente ans qu’elle habite là, avec son majordome Pierre Langevin, à son service depuis dix ans.

Mrs Drummond raconte au commissaire une histoire qu’il a du mal à croire. Elle serait la descendante de Jack l’Éventreur ! Son aïeul se nommait Russell Stablehorse. Médecin sur le chantier du Tower Bridge à Londres, de 1886 à 1894, il fréquenta le quartier tout proche de Whitechapel. S’il laissa ses instincts meurtriers se débrider en 1888, il commit d’autres crimes partout où il passa, avant son mariage. La signature de Jack l’Éventreur, il ne l’a jamais revendiquée ; mais Mrs Drummond a découvert ses confessions écrites, quarante-cinq pages de texte. Sceptique au départ, Workan devra admettre intérieurement que la plupart de ces confidences sont très crédibles. Il a une autre raison de s’y intéresser.

En 1999, sa mère Ewa Potrechka fut assassinée à Paris, par un copieur de l’Éventreur. Un cas qui n’a pas été éclairci depuis cette époque, qui tourmente d’autant plus Workan qu’il reçoit régulièrement des "signes" du criminel. Mrs Susan Drummond a une sœur, Jessica, internée en psychiatrie à Dinan, non loin de là. Pas facile de l’approcher pour Workan, bien qu’un de ses amis l’y aide sur place. L’ultime "héritier" de Jack l’Éventreur serait le fils de Jessica, Terry Drummond, âgé de quarante-cinq ans, qui ne donne plus de nouvelles à sa famille. Workan s’aperçoit que Terry avait un frère, Harry, militaire supposé mort au début des années 2000. L’un d’eux a-t-il un lien avec le meurtrier d’Ewa, la mère de Workan ?

Pendant ce temps, Roberto et Leila enquêtent sur la violente agression d’un chirurgien d’une clinique rennaise. La victime est l’ami d’un politicien, ce qui amène la procureure à mettre la pression sur l’affaire. Du côté de chez Charles Cochet, les escort-girls défilent, ce qui peut entraîner d’autres crimes. À force de rassembler des indices, viendra pour Workan le temps de la confrontation avec le coupable…

(Extrait) “[Mrs Drummond] se leva et alla farfouiller dans le meuble indien, sous les yeux de Workan qui n’en perdait pas une miette.

Elle présenta la première photo, de dimensions proches de celles d’un format A4. On voyait Russell Stablehorse poser debout devant une plate-forme en pierre et, assez loin derrière lui, l’ossature de la tour rive gauche encerclée par les échafaudages. Un photo en noir et blanc, presque sépia. Il portait ce qui semblait être la casquette des bateliers de la Tamise. Une moustache épaisse lui barrait le visage, il emprisonnait dans sa main droite le fourneau d’une bouffarde. Il avait les yeux brillants – rieurs ? Une blouse blanche, enfilée sur ses vêtements, le camouflait entièrement. Elle descendait jusqu’aux chevilles.

Belle allure de médecin, murmura Workan.”

 

C’est la huitième fois que les lecteurs ont rendez-vous avec le commissaire Workan. Diable d’homme, pas avare de réparties cinglantes voire de vrais "coups de gueule", qui apparaît malgré tout attentif dès qu’il s’agit d’affaires criminelles. D’autant plus que le contexte ici n’est probablement pas sans un étroit lien avec le décès sanglant de sa propre mère. Que l’on essaie pas de lui dicter la ligne à suivre, toutefois, car ça le ferait enrager. Il se peut pourtant qu’un cas annexe, l’agression d’un chirurgien, ait son importance. Mais c’est vers la côte de Saint-Lunaire et dans ses environs qu’il pense trouver la clé du mystère.

Hugo Buan n’ignore certainement pas que les "ripperologues" sont sourcilleux quant au respect exact des "cinq crimes canoniques" attribués à Jack l’Éventreur. C’est donc avec précision que sont présentés les meurtres supposés de Russell Stablehorse, s’il est bien le mythique Jack. Il en aurait commis d’autres, passés inaperçus. Ce qui relance la fameuse question : pourquoi cinq victimes, et plus rien ? Les ouvrages qui ont affirmé "démasquer" l’Éventreur s’avèrent globalement peu convaincants (l’auteur en cite quelques-uns) : non, l’affaire Jack n’est pas résolue, et sera sans doute longtemps "interprétée". Si Hugo Buan reste dans la fiction, il dissocie les crimes eux-mêmes de la célèbre lettre signée par l’Éventreur. L’intrigue joue habilement sur les époques (1888, 1999, et aujourd’hui) tout en gardant, comme toujours dans cette série, une belle part d’humour. Cette nouvelle enquête du commissaire Workan tient toutes ses promesses : on se régale !

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