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Les chroniques polars et bédé        de Claude Le Nocher - ABC POLAR

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Lawrence Block : Cendrillon, mon amour (Éd.Seuil, 2003)

Lawrence Block : Cendrillon, mon amour (Éd.Seuil, 2003)

Aux États-Unis, à la fin des années 1950. Marié depuis deux ans à la blonde Mona, Ted Lindsay est journaliste à Louisville. Du moins l’était-il jusqu’au sinistre départ de sa compagne. Ted s’est alors enfoncé dans la dépression. Le docteur Strom ne préconisa qu’une seule thérapie : un changement de vie radical, ailleurs. C’est ainsi qu’il est parti s’installer à New York. Ted n’a pas tardé à trouver un job de serveur de nuit dans un bar-restaurant de quartier, chez Grace. Ce n’est pas très loin de la 73e Rue Ouest, où il loge. Ted n’oublie pas complètement Mona, mais débute pour lui une existence routinière. Sans femme, donc sans rapport sexuel, ce qui commence à lui turlupiner la virilité.

Un jour, dans la rue tout près de son studio, Ted flashe sur une brune, qui représente pour lui l’idéal, la femme de ses rêves. Certes, il a bien tenté une torride relation avec la rousse Rosie Ryan. Une bombe sexuelle, certainement. Une nymphomane qui l’aurait vite mis à plat, s’il avait persévéré. Tandis que la brune inconnue, c’est autre chose de beaucoup plus fort. Il a l’intuition que c’est le destin qui passe, qu’il ne doit surtout pas louper. Il réussit à découvrir l’identité de la jeune femme : Cinderella Sims. Toutefois, le premier contact avec celle-ci s’avère très tendu, car elle le braque avec un flingue. Elle exige de savoir pourquoi il la surveille. Ted ne lui cache rien, avant que ce soit à son tour de s’expliquer.

Cindy a été employée dans un casino du Nevada. Elle y fut témoin d’une embrouille, où un pigeon se fit arnaquer par un petit groupe d’escrocs, dirigé par un nommé Reed. Boulot de professionnels, pour un joli pactole : 50.000 dollars en billets de vingt. Sauf que c’est Cindy qui a ramassé le butin et s’est enfuie avec, jusqu’à New York. Où Reed et sa bande ont de bonnes chances de la retrouver, craint-elle. Ted accepte de protéger Cindy, prête à lui céder la moitié de la somme ; à lui céder son magnifique corps, aussi. Ayant le projet depuis longtemps de diriger son propre hebdo local, Ted imagine déjà une vie future avec Cindy. Encore faut-il se débarrasser de la menace, le gang de Reed n’étant pas loin.

Non sans risques, Ted est parvenu à récupérer le paquet intégral de dollars. Peu après, le couple prend l’avion pour Phoenix (Arizona), s’espérant hors de portée de Reed. C’est là que Ted commence à s’interroger sur l’histoire que lui a racontée Cindy. Rocambolesque quand même, ce scénario. Et puis, tous ces billets ont-ils réellement la moindre valeur ? La rencontre entre Cindy et lui, est-ce totalement le hasard ? Le périple du couple va les entraîner de Phoenix jusqu’à San Francisco, puis à un bungalow délabré à la lisière de Madison City dans le Nevada. Avec Reed et ses hommes à leurs trousses…

(Extrait) “J’évaluai mes chances de lui casser la gueule et conclus qu’elles étaient infimes. Même sans arme, il m’enverrait très certainement au tapis. Avec l’arme, j’étais fichu. Il me suffisait de sortir de ma cachette pour signer mon arrêt de mort. Je songeai quelques instants au plaisir que ce serait de ne pas être mort. La perspective de saigner plusieurs heures sur le trottoir et de passer quelques jours à la morgue, allongé sur une dalle grise et froide, et plusieurs éternités au fond d’un trou à Riker’s Island n’avait rien d’alléchant.

Et donc ? Une autre possibilité s’offrait à moi. Je pouvais faire demi-tour, longer le hall dans l’autre sens, échanger en marmonnant des politesses absurdes avec l’imbécile de portier et m’en aller. Ça ne me ferait pas courir grand danger. Ce serait un jeu d’enfant. Je dirais un tendre au revoir à Cinderella Sims, un autre tendre au revoir à cinquante mille dollars, et basta. Ça valait mieux que de dire un tendre au revoir à la vie, non ?”

 

Ce roman de Lawrence Block fut publié sous le pseudonyme d’Andrew Shaw, nom collectif utilisé aussi par Donald Westlake (et d’autres) pour une collection de romans "sexy". En effet, quelques scènes assez chaudes pour l’époque parsèment cette histoire. Ce livre fut exploité sous plusieurs titres : “$20 Lust” puis “Cinderella Sims”. Il n’a été traduit qu’en 2003, quand Lawrence Block a intégré ce polar dans sa bibliographie.

Il en est au tout début de sa longue carrière de romancier quand il l’écrit. Pourtant, on sent de la maturité dans cette intrigue. Notamment dans la manière d’évacuer les étapes précédentes qui ne servent plus à alimenter le récit. Exit le souvenir de Mona, puis fini le bistrot de Grace, dès que Ted Lindsay est lancé dans une aventure qui se doit d’avancer à bon rythme. Quand vient le moment de "faire le point", nul besoin de multiplier les pages. L’action redémarre bientôt. N’espérons pas que triomphe la moralité dans ce noir conte de fées version Lawrence Block.

Outre une forme d’humour, on peut noter la concision des descriptions, qui suffit pourtant à indiquer le climat général : “Le quartier était intéressant. Plein de gouines et de pédés – les plus discrets du lot, ceux qui ne se voyaient pas habiter le Village – plus une bande d’Irlandais qui venaient picoler dans les merveilleux bars de Columbus Avenue, une pincée de Portoricains et un échantillonnage des divers specimen qu’on rencontre à Manhattan. Le quartier se composait de petits magasins, de bars et de commerces dans Columbus Street et Amsterdam Avenue, et de magasins plus importants et de restaurants dans la 72e. Il y avait surtout des maisons de grès brun, avec parfois un immeuble en brique dans les rues adjacentes. Ceux qui aiment ça tombaient de temps en temps sur un arbre…” Un roman de Lawrence Block qui ne manque pas de qualités.

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