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Les chroniques polars et bédé        de Claude Le Nocher - ABC POLAR

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Philippe Setbon : Les gens comme Monsieur Faux (Éditions du Caïman, 2017)

Philippe Setbon : Les gens comme Monsieur Faux (Éditions du Caïman, 2017)

Que Wilfried soit suicidaire, rien de surprenant. Dans son métier, il était associé avec Mica, un ami de longue date plutôt fortuné. Bien vite, Wilfried a été éjecté de leur société, et sa femme Marcie est partie vivre avec Mica. Retourner habiter chez ses parents, manquer de perspectives professionnelles, n’avoir aucune chance de récupérer son épouse, autant de motifs de dépression pour Wilfried. Alors, il va se jeter dans la Seine du côté de la Bastille. Le grand soulagement final sera le bienvenu. Mais intervient un inconnu qui a besoin d’un léger coup de main, avant qu’il se suicide. Il s’agit juste de l’aider à balancer à l’eau le corps empaqueté d’une jeune femme que l’homme aurait égorgée peu avant. Wilfried suspend son projet mortel perso, intrigué par celui qui se présente comme Monsieur Faux.

C’est un monsieur d’âge mûr, courtois et cultivé, du genre “médecin de famille au calme rassurant, à la voix profonde, au regard chargé d’empathie.” Malgré l’allure convenable de Monsieur Faux, c’est un assassin, avouant avoir commis régulièrement des meurtres. Ce qui ne met pas à l’aide Wilfried. Dans un monde ordinaire et sans tracas, des gens comme Monsieur Faux, ça n’existe pas. Un archétype de tueur en série dans la fiction. On pourrait croire être en pleine hallucination, face à un ectoplasme improbable. L’esprit de Wilfried étant perturbé par l’accumulation de problèmes, il ne rejette pas ce curieux homme. Qui lui offre même un pistolet en cadeau. Et qui le relance dès le lendemain, afin de clarifier les bases de leurs relations. Car Monsieur Faux espère initier Wilfried aux plaisirs du crime.

Marcie a été assassinée. C’est la policière Naomie qui est chargée de l’affaire. Elle a déjà vérifié l’alibi de Wilfried, qui est hors de cause. Pour lui, c’est évidemment Monsieur Faux qui a éliminé son ex-épouse. Ça signifie que Mica, son ancien associé, est également en danger de mort. Wilfried tente de l’avertir, mais ça se termine vite en pugilat. La scène a été filmée par un témoin. Heureusement pour Wilfried, car Naomie lui apprend peu après que Mica a été tué à son tour. La policière sent grandir une attirance amoureuse envers lui, mais en observant un couple d’amis proches, ça l’incite à la prudence. Finalement, elle est écartée de cette enquête. D’ailleurs, on ne tardera pas à dénicher un coupable idéal, ce qui permettra de clore rapidement un dossier qui n’intéresse plus guère que Naomie.

Bien qu’ayant opportunément supprimé Marcie et Mica, Monsieur Faux n’a nullement l’intention de disparaître de la vie de Wilfried. Au contraire, le bougre d’égorgeur s’incruste de plus belle. Avec la ferme volonté d’en faire un adepte, de l’entraîner dans la criminalité. Quand Wilfried l’a mise au courant pour Monsieur Faux, lui présentant un portrait dessiné de celui-ci, Naomie n’y a pas vraiment cru. Des gens de cette sorte, ça n’existe pas. Mais la policière va néanmoins trouver l’adresse de cet homme énigmatique…

(Extrait) “— Vous n’avez aucune envie de mourir. C’est tellement limpide ! Même l’autre soir, à la Bastille, vous ne le désiriez pas réellement. Au fond, vous n’attendiez qu’une chose : que quelqu’un vous détourne de ce projet ridicule. Et le destin a voulu que ce soit moi. Tant mieux, tant pis, qui peut le dire ?

Ce fut au tour de Wilfried de vider son cognac d’une seule lampée. Puis un peu secoué, il se passa la main sur la figure et se frotta les yeux à s’en faire mal, à en voir des papillons noirs. Lorsqu’il les ôta, il se rendit compte qu’il était seul à sa table. M.Faux avait disparu en laissant un billet de cinquante euros dans son verre vide.

Wilfried se dirigea à pied vers la gare RER. Qu’avait-il appris de cette journée ? Pas mal de choses, au fond. Qu’il n’avait effectivement plus envie de mourir. Que son pote Lionel était toujours aussi con et qu’il ne serait pas capable de travailler sous ses ordres, à supposer qu’il le rappelle un jour. Et que M.Faux ne semblait pas pressé de le supprimer.”

 

Le roman-puzzle à la narration éclatée complexe, parfois alourdi de considérations psycho-pathologiques, ça peut avoir son charme. Mais une histoire clairement racontée, toute en souplesse, teintée d’humour ou d’ironie, c’est quand même drôlement agréable à lire ! Si l’auteur introduit un personnage original, voire carrément hors norme, s’immisçant dans la vie d’un quidam fragilisé, il faut s’attendre à ce que ça produise des étincelles. Tel est le postulat imaginé par Philippe Setbon, romancier chevronné possédant une belle tonalité personnelle. On ne devrait même pas avoir besoin de vanter les mérites d’auteurs comme celui-ci. Parce que l’on est sûr de découvrir un roman impeccable, dosé à merveille.

Un début singulier, soit… Suivi d’un récit balisé ressemblant globalement à tant d’autres polars ? Non, vraiment pas : jusqu’au dénouement astucieux, vont se succéder quantité de péripéties plus souvent souriantes que sombres, toujours palpitantes. Pour ce brave Wilfried, l’ambiance est tendue sans tomber dans le drame : “C’était troublant de se dire que le bonheur pouvait parfois naître des situations les plus pourries.” Au-delà d’un récit enjoué aux vertus distrayantes, un polar savoureux comme on aimerait en déguster le plus souvent possible.

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