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Les chroniques polars et bédé        de Claude Le Nocher - ABC POLAR

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Jacques Savoie : Cinq secondes (Éd.Libre Expression, 2010)

10-SAVOIEJérôme Marceau est enquêteur au Service de Police de la Ville de Montréal, section des homicides. Si ses collègues le surnomment Aileron, c’est que ce policier quadragénaire ne possède qu’un seul bras, le gauche. Sa peau basanée de mulâtre est aussi assez remarquable. Expert en documentation informatique, Marceau connaît à la perfection le métro et le réseau souterrain de Montréal. Sa mère culpabilise toujours à cause de son handicap, causé par un médicament. En l’absence de sa supérieure, Lynda Léveillée, il va diriger le service. Il sera assisté des policiers Corriveau et O’Leary, tandis que l’enquêteure Isabelle Blanchet se chargera de l’informatique. Ils sont bientôt confrontés à une tuerie. Au Palais de Justice, une femme vient d’abattre quatre personnes et a tenté de se suicider. Elle est dans le coma à l’hôpital Saint-Luc, où on espère qu’elle s’en sortira.

L’audience au Tribunal s’annonçait pourtant vite réglée. L’accusation de fraudes était abandonnée contre Julie Sanche, seule restait celle de prostitution. L’avocat Denis Brown avait tout arrangé. Soudain, la jeune femme de 26 ans s’est emparée d’une arme, abattant en quelques secondes le gardien de sécurité, le juge Rochette, le témoin Gilbert Bois, et l’avocat Brown. Selon les premiers éléments, la tireuse s’appelle plus certainement Brigitte Leclerc. Ce qu’ignorent encore les enquêteurs, c’est que sa jeunesse fut mouvementée. À seize ans, elle fut arrêtée après des braquages. Quand elle sortit de prison, son père lui conseilla d’adopter l’identité de Julie, la défunte sœur de Brigitte. Une manière d’attendre quelques années sa réhabilitation, le Pardon de Justice. Mais Carl Leclerc était un trafiquant chevronné, qui entraîna sa fille Brigitte dans ses arnaques.

Jérôme Marceau doit se montrer prudent car la veuve du juge Rochette, Évelyne Lebel, est elle-même un magistrat influent. Son équipe et lui ne tardent pas à perquisitionner à l’adresse du père de la jeune femme, mort depuis peu. On y trouve un stock d’articles digne d’un entrepôt commercial. La véritable adresse de Brigitte, Marceau va la trouver sur un reçu de livraison de pizza. Pour une supposée puéricultrice virée de son emploi après une drôle d’affaire, voilà un bien bel appartement, propriété de la société Brigitte Julie Inc. Si sa vie a été un ramassis de mensonges et d’escroquerie, encore Jérôme doit-il en démêler les nœuds. Pour son collègue O’Leary, la raison du carnage est simplement liée à la fortune frauduleuse amassée par Brigitte et son père. Marceau est convaincu que le geste de la tireuse a obéi à d’autres motifs. Malgré la tempête qui sévit sur la ville, il poursuit son enquête avec ténacité et clairvoyance…

Ce roman, qu’il n’est pas difficile de se procurer en France, a reçu en septembre 2010 le Prix Saint-Pacôme, récompense majeure de la Littérature québécoise. Distinction méritée, pour un suspense de très belle qualité. Il se demandait combien de temps il faut pour revoir une vie. Cinq secondes, ça lui paraissait bien court. Dévoiler que le titre répond aux cinq secondes durant lesquelles la tueuse voit défiler les étapes de son existence, ça n’est rien révéler. Car toute la subtilité de ces flash-backs consiste à suggérer ses divers mobiles, à travers le parcours chaotique de Brigitte. S’il s’agit d’une jeune femme déterminée, son caractère profond est plus nuancé. Bien sûr, le singulier enquêteur est un héros fort attachant, par son humanité comme par son intuition. On prend plaisir à le suivre dans les corridors du Montréal souterrain. Prouver qu’il est capable de mener à bien ce dossier, s’attirer le respect de ses collègues, et comprendre les méandres de l’affaire, tels sont ses buts. Vaste défi, on est de tout cœur avec lui. Précisons aux lecteurs français qu’au Québec, un dépanneur signifie une épicerie, s’incorporer veut dire créer sa société, un condo c’est un appartement dont on est propriétaire, une fournaise est un appareil de chauffage. Ce qui se traduit assez aisément, dans le contexte. Une excellente intrigue, précise et non dénuée d’humour.

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