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13 Novembre 2010
Si son frère évolue dans d’influents milieux politiques et sa sœur dans les
hautes sphères bancaires, le policier Réal Larouche n’est pas le plus brillant enquêteur du Québec. Quand on retrouve un cadavre sur la rive du lac Memphrémagog, il est chargé de l’affaire.
L’homme n’est pas mort noyé, ni à cause de la balle qui lui a éclaté la rotule, mais d’un violent coup de marteau sur la nuque. C’est grâce à ses chaussures que la victime est bientôt identifiée.
Il s’agit de Quentin Cointreau, un Français installé près de Magog depuis une vingtaine d’années. Il s’occupe d’une auberge locale avec son épouse Maria Dansereau.
Quand Maria contacte Gabriel Lecouvreur, ce dernier ne tarde pas à sauter dans un avion, en direction du Québec. Quentin Cointreau, c’était son meilleur ami d’enfance, presque son jumeau puisqu’ils étaient nés le même jour. Quentin et son frère furent élevés par un père qui finit en prison. Ado révolté des années 1970, Quentin adopta les théories des anars les plus radicaux. Son chaotique parcours passa par l’Armée, avant qu’il n’entraîne Gabriel avec lui au Québec, vingt-sept ans plus tôt. Marquée par le froid et la dèche, l’expérience tourna vite court pour le Poulpe. Un peu à cause de la belle Maria, dont tous deux étaient amoureux. Cette ex-junkie et Quentin se mirent en couple, tandis que Gabriel rentrait en France. C’est en héritant des chambres d’hôtes de sa grand-mère que Maria et son compagnon purent heureusement sortir de la mouise.
Certes, le domaine touristique qu’ils exploitent fonctionnent bien. Pour disposer d’autant de fric, c’est que Quentin s’occupait d’autres affaires. Le révolutionnaire ardent d’autrefois semblait bien s’être accommodé de la société capitaliste nord-américaine. Quand, débarquant au Québec, Gabriel questionne Maria à ce sujet, elle prétend ne rien savoir des activités extérieures de Quentin. Qu’il interroge leur voisin, un vieux Breton de 76 ans nommé Cadoudal. Dés le lendemain, le Poulpe se rend chez celui-ci, où il est accueilli par une ourse très câline. Cad est un aventurier ayant vécu plusieurs vies. Il connaît les activités parallèles de leur défunt ami. Quentin commença par un petit bizness de chantage à crédit, avant que les deux hommes ne s’associent pour des coups plus juteux. Jouant parfois à Robin des Bois, il organisèrent pour leur propre profit de fructueux rackets. Que Réal Larouche vienne les interroger n’inquiète guère le vieux Cadoudal. Le trio a toutes les raisons de bien s’entendre, surtout quand la menace se précise. Maria étant maintenant en danger, il s’agit de la sauver…
Si le Poulpe est voyageur, il traverse rarement les océans. Pourtant, le voici à 130 kilomètres à l’ouest de Montréal, dans une station touristique de la région de l’Estrie, entre lac et montagne. Les souvenirs concernant son ami tiennent une large place dans cette histoire. Que sont les anars d’antan devenus au fil du temps ? Pour Gabriel, c’est aussi l’occasion d’explorer la situation politico-économique du Québec, où les malversations ne seraient pas plus rares qu’ailleurs, nous dit-on. L’exemplarité resterait une notion relative là-bas aussi ? Luc Baranger est généreux en vieil argot français, sans négliger le savoureux langage québécois. Pas avare non plus d’images évocatrices : “Le Poulpe regardait [Maria] bouche bée, fasciné, comme si elle était la Vierge Marie en string léopard ligotée par des lanières de cuir au grand menhir de Locmariaquer.” (Petite rectification anecdotique : surnommer le vieux Cadoudal “le Bigouden” est erroné, car Kerléano dont il est natif se trouve dans le Morbihan). C’est un fort sympathique épisode du Poulpe qui nous est proposé une fois encore.