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14 Octobre 2011
La police criminelle de Lyon est secouée par une sale affaire, qui laisse déjà des traces. Au plus haut niveau, du juge Romaneuf à la commissaire Arsanc, chacun
a bien l’intention de tirer un certain profit de l’enquête. Milos Machek lui-même, jeune policier d’origine croate, débutant mais consciencieux, comprend vite qu’il a une carte à jouer en
assistant sa supérieure. Veuve d’âge mûr, chef de la BRI, Antonia Arsanc est une femme de caractère. Elle cache à peine ses opinions très marquées, favorable à la peine de mort et impitoyable
face au grand banditisme. Admiratrice de l’entomologiste Fabre, elle compare tous les êtres humains à des insectes. Un monde de nuisibles, qu’il convient d’écraser.
Le mafieux Bonelli et son garde du corps ont été immolés un dimanche soir par un rabbin dans un train entre Dijon et Lyon, peu avant Macon. Malgré la façade de respectabilité du Corse, c’était un pourri qu’Antonia Arsanc ne regrettera pas. Sa visite de courtoisie à Tino, le fils du défunt, héritier de l’empire, et à sa mère, n’est nullement innocente. Bonelli avait deux principaux adversaires, régnant eux aussi sur la pègre lyonnaise : le turc Refik Saka et le juif Weinstein. Laisser entendre que, selon la police, l’un des deux a causé la mort de Bonelli, c’est lancer une guerre entre ces puissantes bandes. Le jeune flic Milos a vite compris les intentions d’Antonia Arsanc. D’autant que le duo de policier s’en prend par ailleurs à Josevitch, homme de main prêt à servir les caïds de tous bords.
Policier compétent plus humaniste que la chef de la BRI, Pascal Carchoz n’aime pas les méthodes de la commissaire. Mais son camarade journaliste Gouttevent étant trop virulent contre la police, Carchoz accepte de l’aiguiller sur une fausse piste. Alors que l’histoire du rabbin tueur alimente les forums Internet, il y a là encore une manipulation de l’opinion. Il est vrai qu’ont retrouve le même rabbin, si repérable, dans l’assassinat du magistrat niçois Bribal et autour du meurtre du riche avocat Bernier-Thenon. Si la version officielle évoque une guerre des gangs probablement menée par Weinstein, Antonia Arsanc et Milos sont plutôt sur la piste d’une vengeance. Dix ans plus tôt, dans la Dombes, l’incendie du club 421 causa de nombreuses victimes. Bonelli fut lié à ce dramatique accident.
La mère d’une jeune fille ayant péri s’est réfugiée dans la religion. Le maire de la commune en paya cher les conséquences. Son fils prof de philo pourrait faire un bon suspect. Mal en point physiquement, l’avocat Canonnier n’est peut-être pas aussi modéré qu’il parait. Le nommé Aron Kreish est-il un hurluberlu ou bien un véritable excité ? Le rôle du policier Pascal Carchoz n’est pas très clair, non plus. D’autres agressions mortelles semblent n’avoir qu’un lien indirect ou relatif avec la mort de Bonelli. Le jeune flic Milos Machek ne pèse guère contre sa hiérarchie, bien qu’il ait découvert quelques éléments importants…
Mettre en scène des policiers ne signifie pas qu’il s’agisse d’un roman d’enquête. Affaire classique de tueur en série, alors ? “Il est indispensable qu’un quidam me voie. Tout serial killer qui se respecte doit laisser un indice. Ces malades ont besoin de reconnaissance. Contrairement à eux, je ne tue pas par pulsion : je tue pour ma pierre blanche. Mais les flics n’ont pas à le savoir, je veux qu’ils m’intronisent au club des psychopathes” nous dit l’assassin. Prix Polar Cognac pour “Comptines en plomb”, auteur de “Paraître à mort”, Philippe Bouin joue sur toutes les perversités psychologiques. Ses personnages s’avèrent complexes, pas obligatoirement sympathiques. La commissaire se gargarise des arguments obsolètes en faveur de la peine capitale. Le juge Romaneuf et le flic Carchoz sont contre, mais adoptent ou tolèrent la stratégie doute de la chef de la BRI. Milos, issu d’une minorité mal traitée, n’en est pas moins ambitieux aux limites de l’arrivisme. Peut-être que finalement, comme dans l’intitulé de chaque chapitre, le monde des humains n’est peuplé que d’insectes souvent détestables, voire dangereux ? Un suspense grinçant, habilement maîtrisé, vraiment passionnant.