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15 Juin 2010
Âgée de 28 ans, Sophie Duguet reste perturbée depuis le décès de son mari Vincent. Même avant l’accident qui laissa celui-ci impotent, la vie de Sophie était désorganisée, elle
commençait à ne plus maîtriser son existence. Aujourd’hui, elle est employée par la famille Gervais. Elle garde leur fils Léo, six ans. Un matin, Sophie découvre l’enfant mort dans sa chambre. On
l’a étranglé avec un lacet d’une chaussure appartenant à la jeune femme. En l’absence des parents, égarée, Sophie ne sait comment réagir. Elle prend la fuite, espérant trouver la force de se
concentrer. Bien que la situation lui paraisse irréelle, elle n’exclut pas un acte inconscient de folie. Elle a tué cet enfant. Sophie prend quelques affaires chez elle, passe à sa banque. À la
Gare de Lyon, où on lui a volé sa valise, elle sympathise avec Véronique, qui lui vient en aide. L’ayant suivie à son domicile, Sophie est prise de vertige. C’est dans cet état qu’elle tue
Véronique. Sa cavale se poursuit sous l’identité de sa victime, puis sous d’autres noms.
Huit mois plus tard, on ne l’a toujours pas retrouvée. Elle n’a jamais contacté son père, sa seule famille. Employée dans un fast-food, elle se fait appeler Juliette. Sophie pense avoir trouvé une solution pour obtenir définitivement une identité solide. Elle contacte un fournisseur de faux-papiers, dont le tarif est cher, très cher. Elle s’arrange quand même pour réunir la somme demandée. La voilà en possession d’un acte de naissance au nom de Marianne Leblanc, qui n’est valide que quelques mois. Sophie s’est adressée à des agences matrimoniales. Sous son identité de femme mariée, il ne sera quasiment plus possible de la retrouver. Elle ne vise pas l’époux idéal. Même ce sergent-chef, ennuyeux et transparent, si facile à séduire, finit par lui convenir. Il ne se montre pas indiscret sur le passé secret de la jeune femme. Ce Frantz Berg n’est pas aussi insipide qu’elle le craignait, constate-t-elle après leur mariage.
Malgré la stabilité que lui apporte Frantz, l’état de santé de Sophie se dégrade à nouveau. Elle est toujours hantée par la mort de Vincent, dont l’accident de voiture puis le suicide n’ont jamais été éclaircis. Dans ses cauchemars, Sophie entend voix de ses victimes. Malgré l’apaisante présence de Frantz, minée par l’angoisse et la fatigue, Sophie s’étiole. Elle fugue, se comporte en suicidaire…
Il est vrai que ce résumé ne dévoile pas l’intégralité de l’histoire. Il ne s’agit que du parcours de Sophie, entre fuite et démence. Dans l’ombre, un autre protagoniste joue un rôle capital. En proie à d’étranges obsessions, ce dernier fait preuve d’une lucidité perverse. Sans doute peut-on lire ce roman tel qu’il nous est raconté. Mais une lecture distanciée, sans chercher une totale empathie avec Sophie et les divers personnages, est probablement préférable. Car les détails qui nous sont révélés, et ceux que l’on nous laisse deviner, sont les pièces d’un puzzle démoniaque. Même quand l’image finale parait devant nous, le suspense subsiste jusqu’au dénouement. C’est un scénario digne des meilleurs films d’Hitchcock qu’a concocté là Pierre Lemaitre. Passionnante serait un faible terme pour qualifier cette intrigue d’une très belle intensité.
Après “Travail soigné”, primé au festival de Cognac, “Robe de marié” a reçu plusieurs prix mérités en 2009, au salon Sang d’Encre de Vienne et à celui de Montigny.