Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Les chroniques polars et bédé        de Claude Le Nocher - ABC POLAR

1850 chroniques - faites défiler la page - ou cliquez sur l'initale du nom de l'auteur recherché

Luciano Marrocu : Fáulas (La Fosse aux Ours, 2008)

09-MARROCUÉté 1939. Âgé de trente-trois ans, Luciano Serra appartient à l’OVRA, la police secrète du régime mussolinien. Le cavaliere Carruezzo, son supérieur - bien renseigné sur tout le monde, a l’habitude de lui confier les tâches les plus délicates ou dangereuses. Serra doit s’intéresser au puissant Musio, un hiérarque du Parti, accusé de complot par le jaloux Coltellacci, aussi arriviste et opportuniste que son rival. De Rome, Musio dirige des projets d’aménagements dans sa Sardaigne d’origine, son fidèle ami Pisano veillant sur place à les mettre en œuvre. Nul n’est dupe de l’accusation. Surtout pas Silvia Musio, la fille du “suspect”, fiancée à un futur diplomate, que Serra trouve fort attirante.

Musio est assassiné dans sa propriété. Les domestiques signalent la visite d’un inquiétant visiteur venu de Sardaigne, peu avant le meurtre. La piste d’un simple voleur n’étant pas totalement écartée, on interroge le nommé Ciorciolini, malfaiteur homosexuel. Il avoue avoir renoncé à sa tentative de vol chez Musio, qu’il n’a pas tué. Le cavaliere Carruezzo se demande, lui, si l’objet utilisé pour tuer Musio est symbolique. Quand les carabiniers sardes avisent Serra du meurtre d’un certain Casu, le lien avec le défunt Musio est vite établi. C’est bien ce Casu qui rendit visite à Musio, avant le crime. Serra se rend en Sardaigne. A Fáulas, il rencontre la sœur de Musio, qui aime défier la population.

Même si les notables locaux préfèrent “cacher la vérité derrière un mur de paroles”, les contentieux entre Musio et Casu, riche propriétaire terrien, étaient connus de tous ici. Le curé évoque ce qui fut peut-être la source de leur haine. Mais c’est principalement la modernisation de Fáulas qui dérange, les propriétaires devant s’y soumettre sans discuter. Jusqu’à là, soutenu par sa fortunée épouse donna Gigina, Lorenzo Pisano a pu appliquer les projets de Musio. Ce dernier étant décédé, il choisit de démissionner de la direction de l’ISCI, organisme qui gère les opérations. Pisano possède un solide alibi, et n’avait pas de raison de supprimer son meilleur soutien. Serra est rappelé d’urgence à Rome, où l’attend une autre piste possible. Des tracts communistes ont été découverts chez Ciorciolini, le voleur homo…

Cette première enquête du policier Serra, dans l’Italie fasciste, est assez réussie. Le disciple du cavaliere Carruezzo apprend à garder une certaine distance par rapport à cette affaire. Intelligent et attentif, il essaie de comprendre la complexe situation. Étant lui-même natif de Sardaigne, Serra espère cerner l’esprit des protagonistes. Mais le sens du nom de ce village, Fáulas (mensonge, en dialecte), est éloquent. Il finit par trouver le coupable, mais les preuves sont difficiles à établir.

Quant au contexte, Luciano Marrocu évite la démonstration. Il décrit le fascisme mussolinien au quotidien, dans la population, sans effet trop spectaculaire. Certes, Serra participe à la caricaturale inauguration d’un tunnel par un officiel, et croise par ailleurs des citoyens revendiquant leur pure adhésion au fascisme. D’autres sont réalistes sur la liberté d’expression : “…le métier de journaliste est dépassé par l’époque. Un titreur unique est devenu plus que suffisant, je veux dire unique pour tous les journaux. Tu as vu les journaux d’aujourd’hui : Le Duce fixe le prix du blé pour l’imminente récolte… Pour écrire quelque chose sous un tel titre, des petites guenons correctement entraînées suffisent.” Ce climat subtilement présenté constitue un des bons atouts de ce roman.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :