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22 Juin 2013
Âgé de vingt-sept-ans, Simon Beecher Jr est le fils d'un haut responsable du groupe Ryzer, multinationale pharmaceutique. Le jeune Simon a été victime d'un accident de voiture, à pleine vitesse, du côté du Bois de Boulogne. La conductrice, Élise Boisvivier, est morte sur le coup. Simon était son passager, assis à côté d'elle, sur la place du mort. Pris en charge par le service des soins intensifs de l'hôpital Georges-Pompidou, Simon a 3% de chances de survie. Quasiment en charpie, il est dans le coma, bardé de machines assurant un artificiel fonctionnement vital. Henri Conflans, grand chef administratif de l'hôpital, est tout prêt à suivre les consignes du père de Simon.
Fournier, N'guyen, Heymar, Leterrier, on ne manque pas de médecins pour s'occuper de ce patient particulier. Les infirmières Arlette Bredin et sa collègue Juliette assurent le bien-être de Simon. Même si Arlette est éreintée, dépassée par ses soucis familiaux. Même si Juliette est lourdement endettée, à cause de sa passion des jeux d'argent. Elles ne comptent pas sur l'autre infirmière Mélissa Hasser, amante du Dr Fournier, sur laquelle Arlette et Juliette s'interrogent. Simon Beecher le père est arrivé à l'hôpital avec son épouse Natalia, la mère du patient. Il faudrait quatre greffes importantes pour sauver le jeune Simon. Les praticiens n'ignorent pas que, dans son état catastrophique, les risques de rejets sont énormes. Pourtant, le père possède une solution miracle.
Certes, le protocole IS3 du groupe pharmaceutique Ryzer n'est validé par aucune autorité médico-gouvernementale. Expérimentation à haut risque sur son fils, Beecher père en est conscient. Mais si ça marche, et il faut tout tenter pour ça, il grimpera dans la hiérarchie du groupe Ryzer. Si Henri Conflans et le Dr Heymar n'éprouvent aucun état d'âme, Alexandre Leterrier est plutôt hostile. Et Michel Fournier se préoccupe autant de sa relation avec Mélissa que des vicissitudes du service. Il n'y a probablement que Natalia qui soit inquiète et triste. Arlette aussi, qui veille sur Simon, auquel elle s'attache, un peu.
Pendant ce temps, au gré des greffes, à quoi pense donc le patient plongé dans le coma ? À sa vie, qui ressemblerait à une perpétuelle promenade dans un immense centre commercial. Où il serait à la fois perdu, et attiré par tous les rayons. Même s'il se réveille, brièvement, Simon ne peut imaginer la médiatisation dont il est l'objet. Ni les combines d'un père, presque sûr d'atteindre son but...
Raconter une histoire, c'est toujours aller d'un point A à un point B. Pourtant, il existe plusieurs façons d'effectuer ce trajet. Les romans linéaires ne s'embarrassent pas de la moindre bifurcation. À l'inverse, les intrigues éclatées empruntent des chemins sinueux, pas forcément bien éclairés. Il y a encore ces récits où l'on fait une partie du parcours à l'envers, grâce à des flash-back explicatifs. Et puis, comme ici, il arrive qu'on avance grâce à kaléidoscope de scènes, un chassé-croisé parfaitement logique entre les différents protagonistes, autour du sujet traité. Cette manière stylistique est très périlleuse. Surtout quand on demande au lecteur de placer lui-même les tirets des dialogues, tout en suivant l'évolution des faits sans en manquer une miette. Ça laisse quelquefois sceptique, il faut le reconnaître. Dans le cas présent, le pari de Mathieu Picard est réussi.
Patients ou proches, nous sommes plus soucieux de la santé d'une personne hospitalisée. Pourtant, le personnel soignant a aussi sa vie, ses tracas, ses questions. Quand une greffe s'impose, nous ne pensons guère aux donneurs d'organes. Il s'agit de vrais gens qui ont eu une vie plus ou moins ordinaire, pas juste d'anonymes. Voilà les contextes évoqués par l'auteur. Sans oublier la puissance occulte des groupes pharmaceutiques, bien sûr. On évite ici la démonstration, bien inutile. Quelques scandales ont déjà été révélés, il y en aura d'autres à l'avenir, pires peut-être... En effet, nous sommes dans un roman noir, un de ceux qui nous rappellent les facettes sombres de nos sociétés.