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Les chroniques polars et bédé        de Claude Le Nocher - ABC POLAR

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Jacques Saussey : Ne prononcez jamais leurs noms (Éd.du Toucan, 2017)

Jacques Saussey : Ne prononcez jamais leurs noms (Éd.du Toucan, 2017)

Lisa Heslin et Daniel Magne forment un couple de policiers, aux relations assez houleuses. Suite à une précédente enquête agitée, la jeune femme enceinte s’est exilée en Suisse. Afin de calmer les effets de l’affaire en question, Magne préfère se faire oublier quelques temps en intégrant le commissariat de Hendaye, au Pays Basque. Malgré la réputation de Daniel Magne, son collègue local Denis Larralde a plutôt confiance en lui. Ce qui est sans doute moins vrai pour leur hiérarchie. C’est alors qu’un attentat est perpétré à Hendaye. Le train Irun-Paris venait de quitter la gare, quand une bombe placée à l’intérieur explose, causant dix-sept morts et une quarantaine de blessés. L’acte n’est revendiqué ni par des nostalgiques de l’ETA, ni par des terroristes islamistes.

Daniel Magne est présent lors de l’explosion. Rapidement, il se met en chasse d’un homme qu’il a remarqué. Le policier se trouve vite bloqué par le tueur qui a bien préparé son repli. Blessé, Magne est enlevé et séquestré par ce criminel, qui veut cruellement s’amuser avec lui plutôt que de l’éliminer tout de suite. Alertée, Lisa Heslin rejoint Paris sans tarder. On ne peut pas l’autoriser à aller enquêter sur place, vu sa grossesse. Mais son bienveillant collègue et ami Henri Walczak se propose de l’accompagner à Hendaye. Il ne pourra s’agir que d’investigations officieuses, Lisa et Henri l’admettent. C’est incognito qu’ils trouvent à se loger dans un monastère des environs. Tandis que Lisa entre en contact avec le policier Larralde, Henri déniche deux prostituées capables de dresser un portrait-robot du tueur.

Malmené par le criminel, enfermé dans une cave, probablement en montagne, Magne se remet un peu physiquement, mais sa situation apparaît sans issue. La police a découvert sur Internet une vidéo exhibitionniste de l’auteur de l’attentat d’Hendaye. Sa provocation en dit long sur son déséquilibre mental. L’explosif utilisé est du Semtex, que des experts estiment fabriqué il y a plus de trente ans. Même s’il a utilisé le stock dont il disposait, le tueur va très certainement récidiver. En consultant le web, les recettes pour concocter des bombes semblent aisées à suivre. Surtout quand on peut acheter impunément quelques produits chimiques pour l’agriculture. Entre Larralde et la bonde Jessica Lacour, de la brigade antiterroriste, la collaboration est autant professionnelle que personnelle.

Le "tueur de masse" espère que, le moment venu, l’Histoire retiendra son nom : Damian Iturzaeta. Ses motivations, il les raconte et elle seront un jour publiques. Il est issu d’une famille fort chaotique au sein de laquelle il fut longtemps dominé. Le déclic intervint quand il rencontra son unique ami, un handicapé surnommé Patxi. Il cultiva sa force musculaire. Son "projet" prit une autre dimension quand le hasard lui permit de croiser un gendarme espagnol, rencontre fatale pour ce dernier. Pour Damian Iturzaeta, pas d’idée régionaliste en cause, mais un plaisir grandissant de tuer. Y compris son propre frère Xabier, une fille trop désinvolte comme Lorraine ou simplement des postiers de passage. Sa dernière cible, il va préparer une énorme charge d’explosifs cachée dans un camion, pour l’atteindre.

Même si Daniel Magne parvenait à s’enfuir, même si Lisa, Henri et les policiers d’Hendaye découvraient la bonne piste, serait-il encore temps d’empêcher le tueur d’agir ?

(Extrait) “Mais c’est son regard qui m’a mis en alerte. L’instinct du flic. Ça ne s’explique pas. Pourquoi là, soudain, ai-je été brusquement convaincu que ce salopard venait de faire péter une bombe. Parce qu’il ne paniquait pas. C’était le seul. Parce qu’il tournait le dos à la fumée qui s’élevait dans l’air immobile au dessus de la ville. C’était le seul aussi. Parce qu’il s’est dégrouillé de grimper sur sa motocross et de se barrer de là, avant que je lui saute dessus.

Il n’avait pas prévu qu’il y aurait un flic à ses trousses, mais il avait quand même anticipé un service d’accueil, genre gros calibre, au cas où. Drôlement déterminé, le mec. Il a préféré me défourailler dessus loin des regards et des vidéos spontanées que font tous les apprentis vidéastes qui assistent en live à un accident ou à une catastrophe d’une telle ampleur. C’est un peu charognard, mais il faut reconnaître que ça nous permet souvent, à nous les flics, de regarder une scène sous un angle qu’on n’aurait jamais pu voir autrement.”

 

Jacques Saussey est l’auteur de thrillers authentiques. Si l’on précise “à la française”, ça risque de sembler péjoratif, de fausser l’impression positive. Oui, c’est dans une région de France que se situe le décor de ce roman. Et quelle région ! Puisque le Pays Basque, forte de son identité spécifique, base arrière d’opposants au régime espagnol, fut longtemps agitée de soubresauts guerriers. On n’oublie pas ici de nous rappeler cet aspect historique, bien que la page soit tournée depuis de nombreuses années. Des séquelles, il en subsiste forcément, mais la stabilité y règne désormais. D’ailleurs, ce qui motive Damian Iturzaeta est sans lien direct avec le passé basque. Son "combat" est strictement personnel.

Un terroriste est, par définition, quelqu’un qui cherche à semer la peur, la terreur. C’est un qualificatif qui convient peut-être mieux que "tueur de masse", adopté pour désigner ceux qui firent un carnage, à Columbine ou ailleurs. Généralement marginal, le parcours de ces criminels a tourné à l’obsession meurtrière, tant soit peu suicidaire. Aucune idéologie ne leur est indispensable, en réalité… même si le nazillon d’Utoya s’est pris pour le Messie d’une nouvelle croisade… même si d’autres s’abritent derrière le Coran, qu’ils n’ont pas lu. Leur but est de passer à la postérité, de faire croire à leur héroïsme, à leur supériorité.

Tels des animaux enragés, c’est un instinct maléfique qui guide ces terroristes, sûrement pas leur intelligence. La ruse leur permet d’échapper aux soupçons, on le vérifie dans les "confidences" de Damian Iturzaeta. Le reste n’est qu’une détermination destructrice. Ils sont retournés au stade de l’animal. Ce thriller exploite avec une belle habileté tous les codes du genre, dans un récit variant harmonieusement les tonalités, entre péripéties mouvementées ou plus psychologiques et moments sombres. Très réussi.

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