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Les chroniques polars et bédé        de Claude Le Nocher - ABC POLAR

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Carlos Salem : Attends-moi au ciel (Actes Noirs, 2017)

Carlos Salem : Attends-moi au ciel (Actes Noirs, 2017)

À Madrid, Piedad de la Viuda aura cinquante ans d’ici quelques jours. Bien qu’ayant étudié les sciences économiques à un très bon niveau, la pieuse Piedad se maria et devint une épouse oisive et bigote. S’occuper de protection des animaux, présider la copropriété de leur résidence, rappeler à tous propos des citations de personnages célèbres, et aller se confesser, voilà ce qui occupe son temps. Avec la musique, car elle adore les boléros. Sa seule amie, c’est Juana Ramona Benavídez (dite JR), avec laquelle Piedad ne peut rivaliser pour la séduction. Les parents de Piedad étaient d’origine modeste et rurale. Ils surent faire fructifier un bel héritage. Antonio de la Viuda créa une grosse société, qu’il légua à sa fille. Elle en est la dirigeante en titre, mais c’est son mari Benito Casado qui s’en occupe.

Piedad est veuve depuis un mois, son époux étant mort dans un accident de voiture. C’est ainsi qu’elle découvre que sa société est quasiment en faillite. Ce que lui confirme Juan Ortega, ami de jeunesse du couple et actionnaire mis sur la touche par Benito. Il lui confie un dossier soulignant l’ampleur des dettes. Certes, Piedad touchera une assurance-vie, qui sera loin de renflouer l’entreprise. Ouvrant enfin les yeux, elle réalise que JR fut sûrement l’amante de Benito. Deux billets d’avion pour le Brésil témoignent que son mari avait programmé un départ imminent. Avec la jeune Svetlana, une blonde Ukrainienne étudiant le portugais en Espagne. Le commissaire Bermúdez et son séduisant adjoint Ricardo Amor révèlent à Piedad que la voiture de Benito a été sabotée, ce qui provoqua l’accident.

Une petite voix intérieure l’incite à réagir. Dans un crucifix creux, elle découvre une lettre posthume de Benito qui pourrait indiquer où il a caché le pactole qu’il détourna. Ou bien s’agit-il juste de venger son défunt époux ? Des obstacles se dressent sur son chemin : un tueur-à-gages au service d’un mafieux russe jouant au gourou para-religieux ; le gardien de la résidence qui veut exercer un chantage sexuel. Piedad ne tarde pas à les éliminer. Elle entre en contact avec Raúl Soldati, un drôle d’Argentin vivant à Madrid, qui s’avère plutôt habile quand il se prend pour un détective. En allant se frotter aux Russes, Soldati risque d’être malmené, mais ça ne le fera pas renoncer. Piedad va se trouver une autre alliée : la jeune et belle Nati, employée de sa société, n’est pas si potiche qu’elle paraît.

Grâce à la très compétente Nati et en réintégrant Ortega, Piedad commence à restructurer l’entreprise. Elle possède un atout supplémentaire : le policier Ricardo Amor devient son amant. Toutefois, Piedad peut se demander si cet Apollon n’est pas avant tout intéressé par les millions détournés de Benito. Quant à la jeune Svetlana, elle fait sa connaissance dans un ascenseur. Elles sont sous la menace d’un sbire russe, que Piedad supprime bien vite. Néanmoins, il vaut mieux essayer de mettre la jolie Slave à l’abri. Constatant la disparition de plusieurs protagonistes, le commissaire Bermúdez imagine cette affaire telle une sorte de match de football. Les indices laissés par Benito sont toujours obscurs, et le mafieux-gourou reste dangereux. La vérité n’est sans doute pas si évidente…

(Extrait) “Je secoue la tête, me love dans la veste d’Amor, et demande à JR de me faire un café. Quand elle se dirige vers la cuisine, je sais que j’ai au moins un quart d’heure devant moi pour m’éclaircir les idées. JR est un génie des relations publiques et privées, mais elle est aussi capable de confondre une cafetière et une planche à repasser.

Pourquoi est-ce que je devrais lui faire confiance ? Après tout, elle a été la maîtresse de Benito et il se peut que, avant que mon défunt mari lui préfère les jeunes Russes, ils aient prévu de m’évincer de la même façon. D’un autre côté, elle sait se débrouiller dans le monde réel : avant d’enchaîner les mariages, elle a même fini ses études de droit. Et puis, c’est ma seule amie.

Je me rappelle quelque chose, et me lève lentement. Amor n’avait pas menti. Sur le meuble, derrière le sofa, il y a la bouteille. Je déchiffre la marque de la liqueur de bourbon et retourne m’asseoir avec elle. Pendant que JR arrive avec du café qui sent le pneu brûlé, j’effleure ma bouteille de Southern Comfort cachée sous les coussins. Maintenant, j’ai deux amies.”

 

Si l’on a une préférence pour les intrigues froides, les investigations strictes, les enquêtes confiées à des experts pointilleux, il vaut mieux ne pas lire les suspenses de Carlos Salem. Ses romans sont placés sous le signe du sourire, de la fantaisie, avec un cynisme amusé et une délicieuse amoralité revendiquée. Pour autant, il serait absurde de croire que les scénarios sont bancals ou négligés. Bien au contraire, le mystère est omniprésent derrière l’humour affiché. À l’origine, dans “Attends-moi au ciel”, un meurtre entraîne une situation vraiment complexe, avec un fort aspect criminel. Les péripéties s’annoncent nombreuses.

Dénicher un énorme magot caché et retrouver un assassin, tout en affrontant des Russes malfaisants, pas si simple pour l’héroïne de cette histoire. Jusqu’à là, Piedad menait une vie éthérée, ignorante des plaisirs charnels et des sombres réalités de l’existence. Heureusement, une voix intérieure s’est réveillée en elle, qui l’autorise à se comporter de façon moins sage qu’à l’ordinaire. Écraser ce qui entrave son parcours, ça ne lui pose plus de problème. Une mise au point pleine de fermeté avec des proches, dont son amie JR, ça ne l’effraie pas non plus. Quant à exploiter son charme de presque-quinquagénaire, elle le fera désormais sans complexe. De bonnes rasades de Southern Comfort, ça motive.

Au cours de ses aventures, Piedad va croiser une galerie de savoureux personnages. Dont Raúl Soldati, un des singuliers héros de “Aller simple”, premier roman de Carlos Salem traduit en français (2009). L’employée sexy Natalie (dite Nati) est également étonnante à bien des égards. Grâce à une narration enjouée, on suit avec grand plaisir les tribulations de la combative Piedad. Carlos Salem ne déçoit jamais ses lecteurs !

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